COMM PRESSE | Bruxelles, pour une ville-capitale  légitime et forte

Ce vendredi, la secrétaire d’Etat Bianca Debaets a proposé le transfert du rôle de capitale de la Ville à la Région. « Une grave erreur » selon le conseiller communal de Bruxelles Geoffroy Coomans de Brachène, et qui fait fi d’une situation déjà extrêmement favorable à la Région de Bruxelles-Capitale.

Article 194 de la Constitution

Tout d’abord, il est utile de rappeler que la Constitution Belge, dans son article 194, stipule très clairement que c’est bien « La ville de Bruxelles [qui] est la capitale de la Belgique et le  siège du Gouvernement Fédéral. » et non une autre entité, quelle qu’elle soit.

Dans un pays comme la Belgique où les tensions communautaires peuvent être exacerbées, toucher encore à la Constitution est toujours un exercice délicat, surtout pour ce type de symboles où chacun demandera vite « sa » capitale et des compensations éventuelles.

Volonté de mise sous tutelle financière ?

On peut s’interroger sur le timing de cette sortie médiatique à 3 jours à peine des discussions budgétaires lors du conseil communal de la Ville ce lundi, évoquer ce montant de 117 millions n’a donc rien d’anodin. Mais le CD&V ne souhaite-t-il pas encore plus mettre sous tutelle la capitale de notre pays en cherchant des excuses financières là où le problème est plus politique qu’institutionnel ou financier ?Déforcer la Ville est évidemment plus aisé que de renforcer le piètre bilan de la Région.

Coûts de multi-capitale

C’est aussi oublier les coûts pharamineux que représentent pour la Ville ce statut de multi-capitale. Outre les près de 1000 manifestations/an à gérerpar la zone de police de Bruxelles-CAPITALE-Ixelles (communément appelée « Polbru » et financée essentiellement par la Ville), ce sont aussi les centaines d’événements culturels, sportifs, protocolaires… pour laquelle elle est sollicitée, souvent de par sa centralité, mais aussi par le fait qu’elle soit la seule à avoir la capacité de les accueillir, du point de vue tant humain que logistique. 

Exemple parmi tant d’autres, le stade Roi Baudouin, souvent surnommé stade « National » n’est pourtant qu’un stade communal, très grand certes, et financé essentiellement par les seules contributions des habitants de la Ville alors que la Région et la Belgique en bénéficie.

Quid de la « mainmorte » ?

En outre, la secrétaire d’Etat semble oublier que la Ville de Bruxelles est – et de très loin – la plus grande contributrice pour la manne financière colossale que représente la « mainmorte ». Ainsi, les Parlements, institutions publiques, administrations, ambassades et les instances européennes ou de l’OTAN notamment, ne sont redevables d’aucun précompte. Or, la plupart d’entre eux sont bien situés sur le territoire de la Ville. Et pourtant, les dizaines de millions de ce pactole sont rétrocédés par le Fédéral… à la Région et non aux communes, à concurrence de 72%. Et ce n’est qu’une infime partie seulement de cette somme qui est finalement reversée à la Ville.

Pour s’en convaincre, il suffit de voir le cinéma orchestré récemment par la commune d’Auderghem pour refuser l’installation de l’Ambassade des Etats-Unis sur son territoire car l’exonération du précompte aurait gravement mis à mal les finances communales par ce simple principe de la « mainmorte ». Or, la Ville de Bruxelles continue d’accueillir toujours plus d’institutions exonérées de ces mêmes précomptes, et cela pour des centaines de milliers de m2 sur son territoire !

Quid de Beliris ? 

Si la « Ville de Bruxelles ne doit apporter aucune justification détaillée » pour les sommes perçues comme le déclare Bianca Debaets, c’est précisément parce qu’il ne fait aucun doute pour le Fédéral que les coûts réels de ce statut dépassent largement ce montant. Une telle affirmation tient dès lors presque de l’indécence. Ou simplement d’une forme de jalousie de la part d’une représentante régionale dont les compétences sont moindres que pas mal d’échevins de la Ville ?

Avant de réclamer ces sommes, la Région devrait agir prioritairement à une meilleure affectation des moyens financiers colossaux qui lui sont alloués via Beliris. Car chaque année, ce sont bien des 125 millions qui sont mis à disposition, affectés mais pour une bonne part non dépensés… par manque de proactivité de la part de la Région.

Nouvelles initiatives avec Visit Brussels ?

Quant au développement du tourisme évoqué par Bianca Debaets pour justifier la récupération des 117 millions, peut-être faudrait-il lui rappeler qu’il s’agit d’une compétence régionale depuis 2014. Or, à part une politisation à outrance des organes touristiques, force est de constater que le Bruxellois n’a relevé aucune initiative nouvelle pour promouvoir la Région ces dernières années. Le principe est louable, mais pourquoi n’en parler qu’après 5 ans au pouvoir, et en pleine période électorale ? Alors que la Région a reçu de nouveaux moyens financiers importants dans le cadre de la réforme de l’Etat, pourquoi ne pas avoir voté une augmentation en faveur du tourisme ?Et s’est-on seulement demandé pourquoi le ministre bruxellois du tourisme à Bruxelles ne siège même pas au sein du CA de Visit Brussels ?

Précision cocasse, avant de devenir un organe régional, Visit Brussels a été créé… par la Ville de Bruxelles voici des dizaines d’années.

Soutenir la Ville plutôt que la déforcer

Bruxelles n’est pourtant pas la seule capitale à être mal-aimée de ses compatriotes. Paris, Londres ou Berlin par exemple vivent ce même phénomène d’amour-haine et de rejet d’un certain nombre de ressortissants. Pourtant, dès la moitié du XIXème siècle, en étendant successivement le territoire de la Ville, les gouvernements nationaux de l’époque avaient veillé à assurer une forme d’indépendance financière à leur capitale, afin de la rendre plus belle et plus forte, mais aussi plus autonome face aux défis pour pouvoir assumer pleinement son rôle de ville-capitale. Or, c’est l’inverse que le CD&V voudrait réaliser aujourd’hui !

La proposition de Bianca Debaets cache surtout mal les difficultés de la Région– qu’elle représente comme secrétaire d’Etat – à porter des projets ambitieux. Depuis 15 ans, plus d’avancées réelles ou de résultats d’envergure, la léthargie est omniprésente, de la mobilité au logement en passant par les infrastructures ou l’aménagement du territoire, on avance à reculons. Dernier exemple en date, « Kanal », nouveau musée régional en devenir supposé « canaliser » les énergies pour promouvoir la culture. A peine présenté, et déjà 75 millions d’€ !!! que la Région souhaite quémander au Fédéral pour sa réalisation. Et tout cela au détriment des grands enjeux régionaux.

Bien qu’élue locale de la Ville de Bruxelles, Bianca Debaets devrait se souvenir de cet adage très bruxello-bruxellois que l’on pourrait résumer comme suit : 

« la Ville de Bruxelles existe depuis 1000 ans, et nul doute que dans 1000 ans, elle existera toujours. Quant à la Région, elle existe depuis 30 ans, et nul ne sait si dans 30 ans, elle existera encore.»

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